Les nouvelles technologies nous ont condamné à devenir intelligents !
Publié le 20 mars 2012 | par Sébastien Rousset
3Michel Serres est agrégé de Philosophie et Académicien, il enseigne l’histoire des sciences à la Sorbonne et à Stanford.
Il s’intéresse à l’interaction entre les sciences humaines et les sciences exactes et porte un regard très optimiste sur les N T. Pour lui, les sciences technologiques sont le socle des autres sciences, et c’est elles qui permettent de comprendre la culture d’une époque.
Lors de la conférence Culture Web pour les 40 ans de l’INRIA en 2007, l’historien Michel Serres fait un beau pied-de-nez aux technophobes et autres résistants à tout progrès de l’ère numérique. Cet homme témoigne d’une rapide mutation technologique et affirme par une brillante démonstration scientifique que « Les nouvelles technologies nous ont condamnés à devenir intelligents ! »
Sa thèse poursuit l’éternelle bataille entre Socrate et Platon, l’un reniant l’écriture en scandant la perte de mémoire, et l’autre vantant l’espace exponentiel de la mémoire, procuré grâce au nouveau support de l’écriture. Le conférencier s’aligne sur cette dernière et s’enthousiasme des nouvelles capacités de l’homme grâce aux nouvelles technologies.
Tout au long de la conférence, l’historien confronte nos préjugés face à la technique, il démontre, en s’appuyant sur l’histoire des technologies, qu’en réalité beaucoup de ce que l’on pense être nouveau dans les NT, ne sont en fait que des réalités très anciennes : le stockage se trouvent dans les cellules, la rapidité des messages criés par les gaulois dépassait celle des messagers à cheval de Jules César, la masse énorme d’informations se trouve dans les grandes bibliothèques et enfin la technophobie est née avec Socrate qui s’oppose à Platon.
Mais ce qui est vraiment nouveau c’est : le nouvel espace relatif aux adresses (mail, portable), les questions en rapport au droit, et surtout, l’externalisation des fonctions cognitives qui est la grande révolution, selon le conférencier.
La tradition orale a laissée place à une société écrite, qui en perdant la mémoire a libéré son espace, et gagne cette faculté pour l’application d’autres tâches. Ce que nous avons perdu en réalité, nous sert au multiple.
Avec un brillant jeu de passe entre les pronoms personnels, il symbolise le transfert de nos fonctions cognitives, du « Je » représentant le mathématicien d’antan, puis la communauté s’est agrandie par nécessité devant la charge de travail et est devenu un « Nous ». Et enfin, aujourd’hui nous avons déplacé ce qui jusqu’à maintenant nous définissait (nos fonctions cognitives) dans la puissance des réseaux informatiques « Il/ça ».
En droit de réponse face aux technophobes, le conteur des techniques énumère plusieurs outils primaires de l’homme, qui sont avant tout des externalisations de fonctions, et qui ont permit à l’homme de faire de réelles avancées : l’habit à substitué le poil, la roue a remplacé le pied, le marteau donne plus de force aux poings etc.
Pour lui, les techniques sont dans un cycle Darwinien qui amène l’homme a développé de nouvelles capacités, et à sortir de son carcan d’évolution naturelle liée à son environnement.
En quelque sorte, Michel Serres instaure une nouvelle pensée “neo-darwiniste” qui démontre que la technique permet à l’homme d’évoluer considérablement vers la maîtrise spatio-temporelle. Ces nouvelles et futures possibilités de la technique ramène, peu à peu, la réalité aux portes de la science fiction.
Voir la vidéo sur interstices.info
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Bonjour!
Excellentissime exposé de Mr. Michel Serres, sur lequel je souhaite apporter une petite note complémentaire: tout au long de l’évolution de l’Humanité, la question du « pourquoi » de l’être humain sur cette terre, a été adjacente à cette évolution décrite.
Autrement dit, les plus sublimes capacités cognitives, même si elles sont en probable évolution, ???, ont de tout temps, permis de répondre à cette question, « que sommes-nous??nous en retrouvons des traces, voir davantage, dans les papyrus retrouvés il y a 5000 ans av JC, extrêmement intelligemment, sublimes…ce qui me fait dire, que le « sublime de la « cervelle » humaine, a gardé un certain continuum…seules les « technologies…ont très doucement évolué.
Je peux me tromper, mais l’Univers « intérieur », non détourné par les « détails » des néo-technologies, n’est pas différent aujourd’hui, qu’il était il y a 7OOO ans, voir davantage, combien de temps: ???, mais , pour le moins, ça interpelle!!!
Merci
Bruno Zaninotto chercheur..trouveur! 🙂
J’ai lu un article hier disant que dans les pays qui avaient le plus accès à internet (États-Unis, Suède…) le QI des gens commençait à baisser. Apparemment tout le monde n’est pas d’accord 🙂
J’entends bien ce que dit M.Serres dans sa conférence, très fameux , très intéressant.
Lors des questions posées, M.S, prononce le terme de « la chose », qui est, nous sommes tous d’accord, en rapport avec les mots, bien insuffisants, même si les dictionnaires ont augmentés en quantité de mots, car ceux-ci, jamais suffisants, pour exprimer les « choses », infinies, qui existent dans le Réel, et dans l’imaginaire, comme en « réflexion » au premier.
Cette représentation, « l’ordinateur comme la tête que l’on a devant soi », est à mon sens, hors de la Réalité. Si demain , l’ordinateur ne fonctionne plus , pour une raison inattendue, perdrions nous nos capacités cognitives, devenues dépendantes de l’ordinateur ? non ! évidement non ! c’est un outil qui nous permet d’aller plus vite, et qui , si nous croyons qu’il nous fait, « perdre la tête », ça n’est en aucun cas dans un « sens » , je dirais Darwinien, d’évolution, mais plutôt de « croyance » à une « pseudo-révolution ».
Il n’y a en Réalité, rien de tout cela, sinon que « nous le croyons », et , nous ne sommes peut-être encore qu’au début de l’usage de cette invention, qui évoluera encore, mais, n’est-ce pas une nouvelle croyance, qui, certes , permet également de faire énormément de profits, de rémunérer les gens sur du virtuel…et après ?
Cette dite « révolution », amène, nous devons nous en rendre compte, une société de la rentabilité, de l’excellence, du meilleurs des meilleurs, mais toujours dépassé par un autre meilleurs. N’est-on pas, en « perdant la tête », dans le sens où le dit M.Serres, en train de perdre l’Esprit, le capital, le plus subtil dans la phylogenèse, pour le dire plus clairement, ne perdons nous pas, la Raison ?
Car , ne devons-nous pas nous poser la question du « pour quoi faire », où voulons nous aboutir, croyons-nous à une « linéarité » de l’évolution? car, en étudiant le « connais-toi toi-même », nous nous transformons de telle sorte , que nous nous reconnaissons davantage dans , par exemple, puisque M.Serres, le cite, un Aristote, plutôt qu’un prix Nobel pour telle ou telle découverte, qui sera certes un maillon dans l’évolution technologique, qui engendrera une évolution sociologique, je suis bien conscient de ça, MAIS ! que cela nous « oblige » à devenir intelligents, devenant des êtres créatifs, encore tout à fait d’accord, et… les gens qui ont été, par le passé, bien plus évolués que nous? comment ont-ils fait…sans les ordinateurs ?
Je suis entièrement d’accord avec ce qui a été dit brillamment, par M.Serres, je veux juste rajouter que tout ce « concept » évoqué, je le vois comme un excellent outil, mais stop ! si l’humain veut progresser, se transformer véritablement en « homme de demain », les Traditions, que nous retrouvons chez les anciens égyptiens, pour ne citer qu’eux, y sont arrivés déjà depuis bien avant l’homme d’aujourd’hui, qui est plutôt beaucoup plus stressé, diverti, occupé, précisément par le virtuel, en faisant son occupation quasiment essentielle, mais qui ne peut le faire « avancer » d’un pouce sur la voie de « se rendre compte de la Réalité », de « l’évolution de son intelligence des phénomènes », de l’intégration du temps et de l’espace », de la « compréhension »…
Cette « pseudo-évolution » nous « forçant » à devenir « intelligents »…être créatifs, c’est toujours avoir l’esprit qui regarde en dehors !!! mais qu’entendez-vous donc par cette intelligence, comme si, elle devait « inventer » de nouveaux paradigmes…n’est-elle pas déjà « en nous », demandant à ce que nous lui permettions de naître, au sens « maïeutique » du terme ?
Pour ma part, et en très humble, modeste contribution, ça n’est plus une certitude, c’est un FAIT ! 🙂 c’est reconnaître avec LUCIDITÉ la Réalité ! peut-on y arriver « la tête dans le guidon », tel que l’homme d’aujourd’hui est bien obligé de faire ?
Merci d’avoir lu jusqu’au bout !!! :):)):)))