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Publié le 4 juillet 2013 | par Nadia Bellifa

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L’impact de Weibo : vers plus de démocratie en Chine ?

En Chine, comme dans presque partout dans le monde, les médias traditionnels ont perdu une grande partie de leur influence au profit des médias sociaux. La défiance des populations envers les institutions et leurs supports de communication contrôlés les amènent à vérifier et partager l’information via des réseaux numériques alternatifs. Est-ce pour autant un élan mondial vers plus de démocratie ?

Internet en Chine : une autarcie numérique ou un marché colossal ?

La notion de “démocratie Internet” mise à l’honneur dans l’ouvrage de Dominique Cardon “La démocratie Internet : Promesses et limites” pourrait diffuser cet optimisme sur l’ensemble du globe. Pourtant, suivant le continent où l’on se trouve, cet élan se ternit de quelques nuances.

Au pays du soleil levant, le Parti Communiste Chinois (PPC) s’est toujours efforcé, tant bien que mal, de contrôler les médias et de jeter une ombre sur tout contenu aspirant à la contestation du pouvoir en place. À l’ère numérique, la tâche est beaucoup plus ardue pour les censeurs, les citoyens deviennent leur propre média et l’information circule très rapidement sur les micro-blogs. Pourtant le protectionnisme politique perdure puisque tous les grands acteurs mondiaux du Web occidentaux ont été bloqués en Chine : Google, Facebook, Twitter, You Tube, Daily Motion… Bien plus qu’une mesure de censure, cette tactique se révèle en fait très bénéfique pour le Parti. D’une part, il garde précieusement la main sur les contenus, et d’autres, il permet à toute une économie de se développer sur son territoire.

Aux yeux de certains occidentaux, la Chine vit donc une sorte d’autarcie numérique sans pénalité d’audience de par l’ampleur de sa démographie. Google est remplacé par le moteur de recherche Baidu. Facebook et Twitter sont détrônés par Renren et le fameux réseau social Sina Weibo. Enfin, les plateformes d’hébergement vidéo Youku et Tudou supplantent le géant YouTube. Pour mesurer l’ampleur de l’audience en Chine, il est important de rappeler que ce pays compte presque 600 millions d’internautes sur une population de 1,3 milliard d’individus. En comparaison, l’Europe représente 21,5% de l’audience Internet mondiale, quand l’Asie est à la hauteur de 44,8%. Autant dire qu’il s’agit d’un marché colossal. En France, nous pouvons d’ailleurs constater le danger de la collecte et de la conservation des données des usagers outre-Atlantique sur les serveurs du monopoliste Google. La Chine a su s’en préserver en excluant Google de son espace Internet après qu’il lui ait refusé la conservation des données sur un serveur en Chine.

 

Weibo, une plate-forme de rassemblement et un outil de protestation

Avant l’émergence de la plate-forme de micro-blogging Weibo, plusieurs réseaux sociaux ont tenté leur développement mais tous ont été successivement fermés par le gouvernement. Pour assurer l’existence de Weibo, les dirigeants de Sina se sont donc pliés à cette intrusion politique.

Pour autant, sur l’ensemble du globe, la démocratie internet est bel et bien en route et les internautes chinois ne manquent pas d’y participer. Ainsi, pour contrer les interdits, les internautes se jouent des censures en improvisant des discours métaphoriques sur les sujets tabous. Par exemple, un sujet grave de l’histoire chinoise, dont même certains jeunes n’ont même pas connaissance, est particulièrement censuré par le PCC : les émeutes de Tian’anmen.  La date anniversaire de la nuit du 3-4 juin 1989 est en alerte rouge chez les censeurs. Ainsi, chaque post contenant cette date a été automatiquement supprimé. Pour cette sanglante date anniversaire, Weibo a même pris le soin d’ôter les bougies de ses émoticônes afin d’éviter que les usagers illustrent l’évènement. Mais ils ne peuvent pas faire grand chose face aux parades trouvées par cette population amère. Plusieurs textes codés sont ainsi passés entre les mailles de la censure ou bien déjà trop partagés pour être supprimés.

De toute évidence et malgré l’emprise gouvernementale, Weibo est devenu le média préféré des Chinois. Son infrastructure sociale rassemble une communauté qui n’a souvent ni frère, ni sœur. Hormis cet aspect communautaire, le micro-blogging est aussi un moyen de pression sur les institutions, un contre-pouvoir dont le courant apportera certainement plus de liberté d’expression. Pour preuve, l’armée chinoise, pour qui Weibo est devenu “un nouveau champ bataille”, s’en inquiète ouvertement sur le site de l’Académie chinoise des sciences sociales. Il faut dire que les internautes chinois ont déjà réussi à faire tomber des têtes d’élites et que des mouvements sociaux ont déjà pris via le réseau.

Pourtant, le filtrage sur le réseau et la disparité numérique sur le territoire, nuancent le postulat de la force démocratique des réseaux sociaux. Le PPC a évidemment pris soin de reporter la responsabilité des contenus sur l’hébergeur, ce qui influe considérablement sur l’autocensure des acteurs digitaux. De même, les usagers les plus actifs de Weibo proviennent d’une classe sociale moyenne et pour la grande majorité, de territoires urbanisés. Ils ne représentent en aucun cas l’ensemble de la population chinoise, dont beaucoup sont encore déconnectés.

 

Conclusion

En Chine, comme partout dans le monde, les médias sociaux deviennent peu à peu un espace de protestations et de débats. Cependant la force démocratique de ce contre-pouvoir a en réalité bien peu d’impact sur les grandes décisions des pouvoirs politiques. Internet est avant tout un outil. S’il a réussi à rassembler et pousser des populations dans les rues, la fédération en dehors du virtuel reste l’ultime étape pour arriver à ses fins. Et nous en sommes encore loin. Il n’en reste pas moins que les médias sociaux font désormais partie intégrante de l’écosystème des médias influents, et que l’engagement et l’esprit participatif des communautés bouleversent peu à peu l’espace public.

 


Lire la Page 1 – Qui surfe sur le réseau social Weibo ?
Lire la Page 2 – La stratégie marketing de Sina Weibo
Lire la Page 3 – Les concurrents de Weibo
Lire la Page 4 – Le business model de Weibo


 Sources

 

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